L’équation de la transformation économique de l’Afrique est devenue une préoccupation majeure de ses partenaires aussi bien bilatéraux que multilatéraux. Dans un ouvrage publié le 10 février dernier et consacrée au « nouvel environnement commercial de l’Afrique en cette période perturbée », la Banque mondiale appelle les pays africains à développer et à diversifier leur participation au commerce international ainsi qu’aux chaînes de valeur mondiales, afin de réduire la pauvreté à grande échelle et transformer les économies du continent.
Elle conseille également à ne pas se cantonner dans le commerce des matières premières. Mais aussi d’inscrire véritablement sa production et ses échanges dans l’économie mondiale, pour tirer parti d’une demande et d’une innovation illimitées d’un bout à l’autre de la chaîne d’approvisionnement.
À cet effet, préconise l’institution de Bretton Woods, des efforts intensifs et exhaustifs devront être déployés pour faciliter l’accès du continent aux marchés d’exportation et diversifier ses débouchés en termes de destinations et de produits, tout en renforçant le commerce régional.
Selon Ousmane Diagana, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et centrale : « L’économie mondiale est une source de croissance que les économies africaines ne peuvent pas se permettre de négliger. Même si les exportations africaines de biens et services ont enregistré une croissance particulièrement rapide au cours des dix dernières années, leur volume reste faible et représente à peine 3 % du commerce mondial. S’ils veulent jouer un rôle actif dans le commerce international du XXIe siècle, les décideurs doivent désormais sortir des approches classiques et des marchés traditionnels », déclare-t-il.
La publication souligne en outre, l’utilité des préférences commerciales unilatérales pour transformer l’économie par le biais des exportations, tout en appelant à une réévaluation des échanges avec les partenaires traditionnels.
Les taux d’utilisation des accords existants sont en effet systématiquement faibles pour beaucoup de pays africains, notent les auteurs, en se penchant plus particulièrement sur les programmes mis en place par les États-Unis — Loi sur la croissance et les perspectives économiques de l’Afrique (AGOA) — et par l’Union européenne, avec l’initiative « Tout sauf les armes ».
Il s’avère que les ressources naturelles (en particulier le pétrole) représentent la majeure partie des exportations africaines réalisées dans le cadre de l’AGOA. De ce fait, souligne la Banque, il devient donc impératif de combiner les préférences commerciales unilatérales à d’autres efforts pour développer le commerce et les investissements entre les pays d’Afrique subsaharienne et les pays de l’OCDE, dont principalement les États-Unis et l’Union européenne.
Elle précise en outre que cette approche doit notamment s’attacher à associer les régimes préférentiels à des instruments de la politique d’aide au développement visant à résoudre les problèmes structurels qui limitent les capacités d’exportation.
Et dans ce cas, certaines initiatives récentes (comme le Pacte avec l’Afrique), qui mettent l’accent sur l’amélioration de l’environnement de l’entreprise, le renforcement des infrastructures et la promotion de réglementations et d’institutions efficaces, vont dans le sens de cette approche globale.
En outre, le rapide développement de la classe moyenne et de la demande en Asie de l’Est, qui va de pair avec une augmentation relative des salaires, ainsi que l’évolution de la structure des chaînes de valeur mondiales, ouvrent aux pays d’Afrique subsaharienne de nouvelles possibilités de diversification stratégique du commerce avec l’Asie.
Au cours des dernières décennies, les relations commerciales entre l’Afrique subsaharienne et l’Asie se sont intensifiées. Pour certains de ces pays africains, les principaux partenaires commerciaux ne sont plus l’Union européenne et les États-Unis, mais la Chine, l’Inde et l’Indonésie — une tendance qui s’est accentuée depuis 2010.
Quant à Hafez Ghanem, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Est et australe, il indique que « La transformation économique du continent passera nécessairement par une intensification de l’intégration régionale, condition d’une montée en puissance des capacités d’approvisionnement et d’un renforcement des chaînes de valeur régionales. La création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) recèle un fort potentiel pour doper le commerce intra-africain, renforcer les complémentarités de la production et des exportations, créer des emplois et réduire les effets de la volatilité des prix des produits de base sur les pays participants ».
Albert Zeufack, économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique fait savoir que : « Les pays africains doivent entreprendre d’ambitieuses réformes structurelles intérieures pour accroître les capacités d’approvisionnement de la région. Il faudra pour cela améliorer la connectivité numérique et physique, assurer une gestion macroéconomique intelligente passant par des taux de change stables et compétitifs et un faible taux d’inflation, et renforcer l’efficacité des institutions réglementaires et juridiques ».
L’ouvrage souligne qu’à l’avenir, pour assurer le succès de la ZLECAf, il conviendra de renforcer l’intégration en adoptant une approche : qui améliore l’intégration physique, avec le développement d’infrastructures transfrontalières pour l’énergie et les transports, et d’infrastructures de connexion, par ex. ; qui renforce la coopération politique, ce qui suppose notamment l’harmonisation des règles et procédures douanières et un certain degré de renoncement à la souveraineté en matière d’établissement et d’application des règles, au profit de systèmes régionaux.
Une approche qui facilite l’intégration commerciale, par la mise en place de systèmes électroniques pour les règlements et le suivi du fret, par des guichets uniques ou encore par l’assouplissement des restrictions sur le commerce des services. Les coûts liés aux distances et à la fragmentation pourront être réduits par des investissements intensifs dans ces domaines s’avère également nécessaire.
La publication recommande enfin que la communauté internationale s’engage à augmenter le soutien financier qu’elle consacre à des infrastructures régionales porteuses de croissance. Elle préconise aussi une évolution des accords bilatéraux, au profit d’engagements avec des « zones économiques » qui relient les intérêts économiques des pays en pointe et des pays plus en retrait dans chacune de ces zones régionales.
Le lancement d’une activité complémentaire au titre de l’initiative d’Aide pour le commerce de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pourrait aussi permettre de stimuler les investissements dans d’autres secteurs que les ressources naturelles, sachant qu’il est essentiel de promouvoir le développement d’exportations nationales plus diversifiées à partir des communautés économiques régionales.